dimanche 4 décembre 2011

6/ PLUS JAMAIS SEUL GRâCE à LIFEBOOK


L'intérêt d'un réseau social, c'est de rester connecté en permanence avec ses amis. C'est de faire des rencontres aussi, de "compagnons de réseau" qu'on ne croisera sans doute jamais dans la "vraie" vie, mais avec qui on peut occasionnellement échanger autours d'un sujet, d'une image ou d'une pensée. Du coup et bien, on ne se sent plus jamais isolé et ça, c'est énorme.

Avec la télé, on a des RDV réguliers. Les personnages de série, certains animateurs de talk show que nous voyons plus que nos "proches" deviennent en quelque sorte les membres de notre environnement affectif. Nous avons le sentiment de faire partie de la grande communauté des spectateurs dont on ausculte quotidiennement les choix. Mais nous restons des individus solitaires face à des écrans, sans interaction avec eux. Notre présence, notre existence même, ne modifie en rien le cours de la programmation.

Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, on est toujours en face d'écrans, mais on communique entre nous et ce sont nos publications à tous qui constituent le programme audiovisuel de notre "chaîne". Ça fait une grande différence !

Au Nouvel An j'étais seule cette année. Je venais de me fritter avec mon mec à propos du flirt sur Lifebook avec le surfeur, mais ma rencontre avec ce dernier ne s'était pas concrétisée dans la vie réelle. Nous étions encore dans la délicate et délicieuse phase d'approche.

J'avais déjà passé deux ou trois Nouvel An solitaires. Ils avaient été un peu glauques. En général, je profitais de la nuit pour défragmenter mon disque dur et faire un bilan de ce que j'avais produis dans l'année.
A l'époque, j'étais hyper efficace. Il faut dire que j'étais seule et que Lifebook n'existait pas. Je travaillais beaucoup plus.

Ce Nouvel An-ci, j'ai acheté quelques denrées de luxe et une bouteille de champagne. En début de soirée, je me suis servie une coupe et j'ai commencé à regarder quelques vidéos sur le réseau. Des gens ont posté des photos de leurs tables de victuailles, de leur tronches apprêtées et de leur appart' tout bien rangé.

Moi, je commençais à rédiger mes vœux que je ne publierais qu'à minuit, je cherchais une photo adéquate, un portrait marrant ou bien une image décalée tout en sirotant.

Sur Lifebook, il y en a qui racontent à la minute près tout ce qu'ils font. Ils souhaitent le bonjour à tout le monde quand ils se lèvent et une bonne nuit quand ils se couchent et quand ils font quelque chose qui les éloignent de leur écran, parfois même quelque chose de parfaitement insignifiant - genre qu'ils se lancent dans la vaisselle - on est au courant.

C'est avec ceux-là que j'ai discuté durant la nuit de la Saint-Sylvestre. J'ai laissé des commentaires à droite et à gauche dès qu'ils publiaient des photos sur l'avancement de leur état, dès qu'ils nous faisaient part d'une pensée illuminée par la fête ou déjà embuée par l'alcool. J'ai notamment bien tripé avec une nana délire qui partage en général ses coups de gueule à l'aide d'une webcam. On la voit immanquablement à son bureau, furibarde, vider son sac sur tel ou tel sujet d'actualité et appeler à la révolte collective.

Pour la Saint-Sylvestre, elle était d'humeur fofolle. Elle arborait des cornes de cerf en peluche sur la tête et avait manifestement bu avant de commencer à communiquer. Il y a eu de beaux moments de complicité entre nous et la dégradation de nos états respectifs a créé un échange drôle et en même temps très intime. Je pourrais maintenant passer une soirée en vrai avec elle, on se marrerait bien, c'est sûr.

A minuit, j'ai publié un message sur le mur de mon nouveau chéri. Une sorte de déclaration de désir codée avec une vidéo et des vœux de circonstance. Puis j'ai posté sur mon mur mes vœux pour le réseau. Un texte un peu désespéré. Des vœux de courage pour nous sortir de la merde dans laquelle nous sommes enfoncés, nous tous, les habitants de cette planète.

En une demi heure, j'ai reçu plus d'une cinquantaine de commentaires, de likes, de remerciements et de vœux en retour comme par de vrais amis qui auraient été dans la même pièce que moi. J'ai fini ma bouteille et je me suis endormie avec le sourire.

C'est bon la chaleur humaine ! Même numérique...


< A suivre... >